Perspectives et priorités pour la stabilité politique et les services publics en Irak : un dialogue national de premier plan à l’ambassade d’Irak à Paris
16 juin 2023
Le jeudi 1er juin 2023, l'ambassade d'Irak à Paris a accueilli un événement de grande envergure, co-organisé par Masarat, Efesia, EGRD et le Centre français de recherche sur l'Irak. Cette journée a offert une occasion unique de réunir des experts, des chercheurs et des représentants du gouvernement pour discuter du dialogue national et des priorités du gouvernement irakien visant à parvenir à la stabilité politique et à garantir les services publics dans le pays. La première session, intitulée "Du conflit au dialogue", modérée par M. Nazar Mirjan Mohammed, Chargé d'Affaires de l'ambassade d'Irak, s'est déroulée de 10h à 14h. Celle-ci a été marquée par des échanges riches et des interventions stimulantes de la part des experts présents. Les participants ont eu l'opportunité de se plonger dans des discussions approfondies sur les défis auxquels l'Irak est confronté, ainsi que sur les moyens pour parvenir à la stabilité politique et garantir les services publics dans le pays.
Son Excellence Wadee Al-Batti, ambassadeur d'Irak en France, a inauguré l’événement en prononçant un discours sur le thème « Pourquoi tenir le dialogue en France ? ». Lors de son allocution, Monsieur Al-Batti a mis en évidence les différences notables entre l'Irak d'avant 2003 et l'Irak actuel, soulignant que le pays avait connu des bouleversements significatifs tant sur le plan politique que social. Ces transformations ont donné naissance à un nouvel Irak avec des aspirations et des défis différents de ceux d'autrefois. Par ailleurs, l’Ambassadeur rappelle l'importance des relations franco-irakiennes qui s'étendraient sur une période de 400 ans. Malgré cette longue histoire, il a tenu à préciser que la nomination d'un ambassadeur chrétien en France était une première, insistant également sur le fait que cette décision ne visait pas uniquement à satisfaire les intérêts français, mais qu'elle était avant tout le résultat d'une décision souveraine prise par l'Irak. Cette nomination témoigne de la volonté du pays de se réinventer et d'ouvrir de nouvelles perspectives. Le choix d'un ambassadeur chrétien envoie un message fort, soulignant la diversité et la pluralité de l'Irak moderne. Mais cette première n’est pas seulement symbolique car elle reflète également les aspirations de l’Irak en tant que nation. C’est une décision qui démontre l’évolution profonde du pays et son engagement envers une nouvelle ère de stabilité politique, de dialogue et de coopération internationale.
Pour répondre à sa question initiale, à savoir pourquoi ce dialogue se tient à Paris, son Excellence, Wadee Al-Batti, argue que la France dispose d'une longue tradition diplomatique et d'une expertise reconnue dans la promotion de la stabilité politique. En outre, tenir le dialogue en France renforcerait les liens bilatéraux entre les deux pays, favorisant un dialogue approfondi et constructif pour aborder les questions politiques et les défis auxquels l'Irak est confronté. Un autre avantage important est d'attirer l'attention de la communauté internationale sur les défis auxquels l'Irak fait face. En organisant des discussions ouvertes et inclusives en France, cela permet de sensibiliser les acteurs internationaux aux problématiques spécifiques à l'Irak et de mobiliser un soutien plus large pour les efforts visant à promouvoir la stabilité politique et à garantir les services publics essentiels à la population.
Monsieur Alaa Al-Bahadli, représentant de l'EGRD, a ensuite abordé la question cruciale de l’apport des relations entre l'Irak et l'Union européenne afin de soutenir le dialogue et le développement dans le pays. Son intervention a souligné l'importance de tirer parti de ces relations pour renforcer les échanges, les collaborations et les initiatives conjointes entre l'Irak et l'Union européenne. Par ailleurs, Monsieur Hazim Watan, Conseiller du Premier ministre irakien, a apporté une perspective importante sur l'importance du dialogue national pour atteindre la stabilité politique en Irak. Le dialogue est indispensable pour la consolidation des fondements démocratiques et la promotion de l'inclusion dans la prise de décisions politiques. Le dialogue national offre une plateforme pour toutes les parties prenantes irakiennes, leur permettant d'exprimer leurs préoccupations et de trouver des solutions communes aux défis auxquels le pays est confronté. Monsieur Hazim Watan précise que le dialogue national ne se limite pas seulement aux discussions entre les acteurs politiques mais doit également englober tous les segments de la société irakienne, y compris les représentants de la société civile, les experts, les chercheurs et les citoyens ordinaires, comme ce fut le cas ce jour-là à l’ambassade. Ces perspectives éclairantes soulignent la nécessité d'une approche inclusive et collaborative pour surmonter les défis auxquels l'Irak est confronté et promouvoir un avenir pacifique et prospère pour tous les Irakiens.
Monsieur Gérard Testard a apporté une contribution significative en tant que représentant de l'association "Ensemble avec Marie". L’association revenait tout juste d'une expérience marquante en Irak, celle d'une rencontre entre chrétiens et musulmans, en présence de personnalités sunnites, chiites et catholiques, notamment le patriarche Louis Raphaël Ier Sako. Cette expérience a été le catalyseur de la connexion d’« Ensemble avec Marie » avec l'ambassade et a renforcé leur engagement à favoriser le dialogue interreligieux et intercommunautaire. D'autre part, Monsieur Jean-Christophe Peaucelle, Conseiller pour les affaires religieuses au Ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères, a abordé un aspect fondamental lors de son intervention intitulée "La diversité ethnique et religieuse, un atout précieux pour le dialogue". Il a souligné la « nécessité d'un courage politique et d'une vision claire pour parvenir à des accords significatifs dans un contexte aussi complexe ». Jean-Christophe Peaucelle a affirmé qu’il est d’abord capital de surmonter les préjugés et les méfiances qui peuvent entraver le dialogue interreligieux et interculturel en Irak.
Le Centre français de recherche sur l’Irak, en tant que coorganisateur de l'événement, a joué un rôle essentiel dans la mise en place de ce dialogue. Adel Bakawan, Directeur du CFRI, a présenté un nouveau cadre pour le dialogue irakien, caractérisant ce projet de « fondamental pour l'avenir de l'Irak ». Son expertise et son engagement en faveur de la recherche sur l'Irak ont permis d'apporter des idées novatrices et des recommandations concrètes pour promouvoir un dialogue constructif dans le pays. Daniel Gerlach, co-fondateur de Candid Foundation, a ensuite apporté une perspective intéressante, soulignant que les Irakiens connaissent déjà les problèmes auxquels leur pays est confronté. Selon lui, ces derniers n'ont pas nécessairement besoin d'experts étrangers pour leur expliquer comment résoudre ces difficultés. Il a ensuite partagé son expérience des tables rondes que sa fondation a animé à Nadjaf, à Bagdad, à Mossoul et dans d’autres villes irakiennes dans lesquelles il a constaté que les experts européens avaient tendance à présenter des expériences et des exemples abstraits qui ne prenaient pas suffisamment en compte le contexte culturel, politique et social, spécifique de l'Irak. Les connaissances et les perspectives des acteurs locaux dans la recherche de solutions aux difficultés irakiennes sont donc capitales. Les Irakiens étant les mieux placés pour comprendre les réalités de leur pays et pour proposer des approches adaptées à leur contexte unique, ne signifie pas que l'expertise étrangère est sans valeur, mais plutôt qu'elle doit être complémentaire et respectueuse des connaissances locales. Monsieur Gerlach signale que cette réflexion peut également s'appliquer à d'autres contextes, y compris en France, où il est essentiel de prendre en compte les voix et les perspectives des acteurs locaux dans la résolution des problèmes politiques. Cela inclut la reconnaissance du rôle de l'opposition et l'importance de favoriser un dialogue inclusif pour trouver des solutions équilibrées et durables.
La seconde session, modérée par Madame Elana Tamim, chargée de projets au Centre français de recherche sur l’Irak, explorait les moyens d’atteindre cette stabilité tant recherchée grâce au programme gouvernemental. Les intervenants ont alors exposé les priorités du gouvernement irakien et les mesures prises pour garantir la stabilité politique et améliorer les services publics. Monsieur Qahtan Al-Kabi, Conseiller du Premier ministre irakien, a souligné l'importance de ce programme gouvernemental « étudié et réaliste qui vise à offrir des opportunités d'emploi aux personnes défavorisées tout en renforçant la sécurité sociale et en protégeant l’économie locale ». Monsieur Mustafa Naji, également conseiller du Premier ministre irakien sur les affaires politiques, a mis en évidence le rôle crucial de la société irakienne et celui du soutien des régimes démocratiques pour consolider les avancées réalisées en Irak. Monsieur Jean-Noël Bonnieu, sous-directeur du Moyen-Orient à la direction de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, a mis en lumière le partenariat irako-français dans le cadre de la visite du Premier Ministre irakien en France. Il a souligné l'importance des relations bilatérales entre les deux pays et les opportunités de coopération dans différents domaines, notamment économique, sécuritaire et culturel. « L'un des points d'ancrage essentiels pour toute réflexion sur l'Irak est le contexte de l'année 2023, qui marque désormais 20 ans après 2003, et symbolise l'engagement continu de l'Irak dans un processus démocratique. ». En effet, l’Irak a entrepris un véritable pari démocratique depuis 2003, cherchant à instaurer et à consolider un système politique qui correspond à ses besoins et aspirations.
Le sous-directeur du Moyen-Orient au MEAE ajoute : « En France, nous pouvons avoir tendance à considérer que le modèle de démocratie parlementaire qui est le nôtre et qui est aussi celui de l’Irak, est un modèle qui va de soi. Or ce n’est pas le cas ». Il est crucial de reconnaître que chaque pays a ses propres contextes historiques, politiques et sociaux. L'Irak, en tant que nation ayant également adopté un modèle démocratique parlementaire, présente des spécificités propres à sa culture et à son histoire qu’il faut prendre en compte. Saad Salloum, directeur de Masarat, (qui dirige actuellement un dossier sur les composantes irakiennes pour le CFRI), s’est concentré sur les perspectives du dialogue national en se focalisant sur une gouvernance rationnelle de la diversité en Irak. Ce spécialiste des minorités a souligné l'importance d'un dialogue interne entre les différentes communautés religieuses et ethniques dans le pays, consolidant la cohésion sociale et la construction d’un Irak plus inclusif et stable.
Cette journée s’est clôturée par une discussion ouverte et constructive. Dans cet environnement propice, les participants ont pu partager leurs questionnements sur les interventions, leurs perspectives et leurs expériences afin d'élaborer des stratégies et des solutions concrètes pour surmonter les défis auxquels l'Irak est confronté. Ce dialogue ouvert a joué un rôle essentiel pour favoriser une meilleure compréhension mutuelle entre les différentes parties prenantes.
L'implication du Centre français de recherche sur l'Irak dans l'organisation de cet événement témoigne de son rôle essentiel dans la promotion de la recherche et de la compréhension de la réalité irakienne. Grâce à de telles initiatives, les efforts pour construire un avenir stable en Irak sont renforcés.
Pour citer cet article : Elodie Vieira, "Perspectives et priorités pour la stabilité politique et les services publics en Irak : un dialogue national de premier plan à l’ambassade d’Irak à Paris", Centre Français de Recherche sur l'Irak, (CFRI), 16/06/2023, https://cfri-irak.com/article/perspectives-et-priorites-pour-la-stabilite-politique-et-les-services-publics-en-irak-un-dialogue-national-de-premier-plan-a-lambassade-dirak-a-paris-2023-06-12 [en ligne].
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